(Tome 1) "L'Islam, ses véritables origines", par l'abbé Joseph Bertuel

July 8, 2017 | Author: vbeziau | Category: Quran, Muhammad, Surah, God, Revelation
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(Tome 1) "L'Islam, ses véritables origines", par l'abbé Joseph Bertuel...

Description

Abbé Joseph BERTUEL

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Un prédicateur à la Mecque

Essai critique d'analyse et de synlhêse Préface de ['Amiral AUPHAN

Étude·s Coraniques NOUVELLES EDITIONS LATINES

1, rue Palatine - Paris 6e

I .S.B.N. : 2-7233-0133-8

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Paris, Nouvelles Editions Latines, 1981.

Je dédie cet ouvrage à la mémoire du Père Gabriel Thér)', O.P. à qui l'on doit la découverte de la vérité fondamentale sur l'origin~ du « Coran » exposée dans ce livre. A M. Arnaud de Lassus, et à ses amis, dont le dévouement nous a permis de réaliser la publication de ce travail depuis longtemps souhaité par de hautes personnalités religieuses et universitaires ainsi que par de nombreux étudiants de France et d'Outre-Mer. Abbé Joseph BERTUEL.

PREFACE Dans le déroulement de la Création qui nous entraîne tous, races e.t croyances mêlées, vers nos fins dernières, nous vivons· une époque évolutive, parfois même troublante, des relations entre christianisme et islamisme. Sous la direction d'un religieux du Secrétariat des relations avec l'Islam, un colloque christiano-musulman s'est tenu le 10 mai 1979 à Versailles. Le périodique chrétien d'inspiration locale, comme il se définit luimême, qui en diffuse le compte rendu aux diverses paroisses, reproduit sans aucune réserve la réponse donnée à une question posée par l'assistance sur ce que représente Mahomet pour un chrétien : « Il y a une certaine hostilité. On dit que c'est un faux prophète : c'est dommage, car le message coranique continue le message biblique » (1 ). Le moins qu'on puisse dire est que la phrase est malheureuse. Le livre que j'ai l'honneur de préfacer montre en effet que le Coran, loin d'être d'inspiration divine spéciale, refléterait simplement les idées de nombreux textes de l'Ancien Testament et du Talmud. Mais ce n'est pas ainsi qu'un auditoire non éclairé l'a compris. Non seulement le livre sacré de l'1slam lui a été présenté comme inspiré, puisque manifestement l'organisateur regrette qu'on traite Mahomet de faux prophète, mais encore comme un document constituant une suite, une « continuation » de la Révélation biblique. Il y a là une prise de position théologique dont je laisse la responsabilité aux organisateurs du colloque,

(1) P~riodique • Neuf • du 12 juin 1979.

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L'ISLAM, SES VÉRITABLES ORIGINES

car l'Eglise enseignait et enseigne toujours (2) qu'il n'y a pas d'autre Révélation que celle des Ecritures (Ancien et Nouveau Testament), éclairée par la Tradition, sans complément ni autre « continuation » à attendre que ce qu·e l'intelligence, pénétrée par la foi, ou les grâces accordées à des âmes privilégiées permettent de préciser de l'ensemble théologique ainsi circonscrit. Ce n'est pas tout. Sous la direction du même Secrétariat pour les relations avec l'Islam, une autre réunion islamo-chrétienne s'est déroulée en juillet 1979 à Chantilly. Arguant de la prétention des musulmans de constituer numériquement la deuxième religion pratiquée en France, les participants ont émis le vœu, reproduit dans la grande presse (3), que soient créés chez nous un plus grand nombre de lieux de culte musulmans, que la radio et la télévision française soient astreintes à des programmes islamiques et que les chefs d'entreprises françaises soient mis dans l'obligation de faciliter davantage à leurs salariés musulmans la pratique de leur religion ( prière du vendredi, fêtes religieuses distinctes, règles alimentaires, pèleri.nage à la Mecque ...). Quand on songe au mot d'ordre laissé par le Christ à ses disciples : « Allez, enseignez toutes les nations, baptisez-les au nom du Père, du Fils, du Saint-Esprit », on reste rêveur devant la contradiction où se trouve un vieux pays chrétien comme la France, « fille aînée de l'Eglise », tenue au bon exemple. On est tenté de se dire qu'il n'y a là que des idées en l'air, de la démagogie sans suite ... On aurait tort. La charité est tellement décollée aujourd'hui de la vérité spirituelle et « profanée », comme le montre Jean Borella (4), que tout est possible dans cet ordre : les catholiques du diocèse d'Annecy viennent d'être appelés par leur évêque à se cotiser généreusement pour offrir aux musulmans une mosquée (5). (2) le paragraphe 4 de ,la Constltutilon dogmat~ue • Del Verbum • sur la révélation divine (Concile Vatican li) s'exprime ainsi : • L'économie chré-

tienne, étant l'alliance nouvelle et définitive, ne passera donc jamais et aucune nouvelle révélation pub~ique n'est dès lors à attendre avant la manifestation glorieuse de Notre Seigneur Jésus Christ (cf. •I Tlm. 6, 14 et Tite 2, 13) • . (3) Votr • le Monde • du 28 Juillet 1979. (4) Voir La Charité profanée par Jean BoreHa . Editions du Cèdre . (5) Voir l'article d'André Figueras dans « Monde et Vie• du 25 juillet 1979.

PlœFACE

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Ceux qui attendraient une certaine détente de ces concessions n'auraient, pour être détrompés, qu'à lire la diatribe que l'une des figures de proue de l'Islam agressif d'aujourd'hui, le_colonel Khadafi, vient d'adresser à notre président de la république en guise de compliment du 14 juillet : il y fait de l'ironie sur la contradiction qui oppose les principes qui ont provoqué la prise de la Bastille à la politique, insuffisamment libérale et révolutionnaire à son goût, que la France suit actuellement (6). Je ne discute pas la contradiction, qui est d'ailleurs indiscutable : je constate simplement que l'Islam reste allergique au peu qui reste de non-révolutionnaire dans l'ordre occidental, si édulcoré soit-il. « A bien des égards, les objectifs de la doctrine islamique et de la pensée révolutionnaire algérienne sont identiques ou très proches » (7). Tel est, illustré par quelques exemples d'actualité, le climat dans lequel le recul chrétien de la décolonisation et l'amour du pétrole sont arrivés à placer les relations entre la croix et le croissant. Autrefois, la franchise dans le respect mutuel n'avait pas encore fait place au mal du siècle. J'ai passé une partie de la Grande Guerre dans le Levant, en pays d'Islam. J'y ai eu comme conseillers et interprètes d'arabe plusieurs savants Dominicains de l'Ecole Biblique de Jérusalem, dont les Pères Jaussen et Savignac, dont des témoignages sont cités dans ce livre. Avec eux, j'ai appris les religions et les ethnies locales, dont j'ai rencontré maintes personnalités chrétiennes ou musulmanes. Bien sûr, je ne pensais qu'à la guerre et aux opérations dont j'étais chargé. Mais on ne reste pas plusieurs mois à collaborer presque journellement sans aborder tous les sujets. Plus tard, je devais être conforté dans mes vues par un ancien officier de marine arabisant, Robert Montagne, négociateur de la paix avec Abd-el-Krim en 1926, mort professeur au Collège de France, adversaire chrétien, non écouté par le pouvoir, du syncrétisme confus auquel, pour notre disgrâce, tendait Louis Massignon. Dans le déroulement de l'histoire humaine, l'Islam est longtemps resté pour moi un mystère. D'un côté, je voyais bien les valeurs spirituelles qu'il renfermait, les

(6) Texte Intégral dans l'hebdomadaire • Marchés tropicaux• du 27 juillet 1979. (7) C!lronique algérienne de • Marchés Tropicaux• du 19 septembre 1980.

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L'ISLAM, SES VÉRITABl.Rc; ORIGINES

sentiments d'adoration, de prosternation devant la toute-

puissance divine dont ses adeptes donnaient l'exemple sans respect humain. De l'autre, je savais qu'il niait la Trinité, donc le Saint-Esprit, source de tout amour, le Péché originel, l'Incarnation du Verbe, marque suprême d'amour de Dieu pour sa créature humaine, la Rédemption qui nous laisse l'espoir du Ciel et tout ce qui structure la métaphysique chrétienne. J'avais de la diffic_ulté à admettre ce que l'on raconte, par routine, dans la plupart des ouvrages de vulgarisa.tion du Coran, attribuant son texte à une inspiration authentiquement divine de Mahomet ou à l'archange Gabriel qui lui en .aurait spécialement dicté les so·u rates (8). Il n'était pas pensable que Dieu nous ait trompés au point de nous donner le Coran après l'Evangile, ou bien ce n'était pas du même qu'on parlait. Surtout, je remarquais que cette religion, éclose six cents ans après le Christ, n'avait pu s'implanter qu'en combattant constamment le christianisme qui occupait bien avant elle toutes les places autour de la Méditerranée et dans le monde ·civilisé. Après des siècles où la chrétienté avait bien été forcée de se défendre contre l'agression puisque occupation signifiait islamisation, le grand péché de l'Occident, surtout de la France, qui a eu plusieurs fois la possibilité d'agir autrement, est de n'avoir pas été assez chrétienne pour comprendre que son premier devoir, après une pacification relative, aurait été d'éclairer et de convertir les musulmans. « En somme, me disait un jour un ami musulman qui ne reprochait guère à la colonisation française que son laïcisme, vous vous êtes occupés de nos carcasses, pas de nos âmes ». Peut-être est-ce de cette foi insuffisamment rayonnante et agissante que nous sommes tous punis aujourd'hui... (8) Par exemple, M. Tahar Ben Jelloun, présentant une nouvelle traduction

du Coran (dans • te Monde • du 13-0S-79) écrit : • Cette p•ole ln..~ est une parole de Dieu révélée à MahonNtt en plusieurs morceaux et 6tapes par la voix de l'Ange Gabrlat •. Que cela plaise ou non, ce point de vue est aussi celui d'un prêtre catholtque, -Hans Küng, mals que le

Vatican a publlquement disqualifié comme théoloUlen catholique. Dans son livre • Etre chrétien • (traduction française Le Seuil 1978), Hans Küng écrit, page 539, que • Le Coran conservé au ·Ciel, a été dicté phrase par phrase comme parole directe de Dieu... C'est un livre lnfallHblement vrai ... C'eBt un Hvre parfait, sacré, qu'il faut accepter à la kftbe... etc. •. En revanche, li dénie cette qualité à la B'lble chrétienne : • parole humaine... d'ocl des d6flclences, des fautes, des dlsslmulations, des confusions, des 6troltesses et des e11eu1s •. A se demander pourquoi 11 s'obstine à se dire encore cathoUque ...

PRÉFACE

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La clèf du mystère de l'Islam est dans ce livre. Je laisse au lecteur la satisfaction d'en découvrir lui-même l'argumentation. Pour ma part, l'idée d'un zélateur juif de la diaspora, combattant l'idolatrie locale et enseignant à son disciple Mahomet, avec forcément des arrière-pensées anti-chrétiennes, le judaïsme desséché des temps postérieurs à la ruine de Jérusalem prophétisée par le Christ, est, dans l'état actuel des connaissances, la seule hypothèse qui me satisfasse l'esprit et qui explique l'histoire sans toucher à la foi chrétienne. La première notion que j'ai eue de cette explication m'est venue des articles de la revue «Itinéraires» qui ont jadis fait connaître à l'opinion catholique éclairée (dans les années 1956, 57, 61, 64) les thèses des ouvrages de Hanna Zakarias. Ce pseudonyme (9) cachait un savant religieux de réputation internationale, le Père Gabriel Théry 0.P. qui, humblement, n'avait pas voulu compromettre son Ordre ni gêner les missionnaires en place, tout en faisant connaître au public ce que sa grande érudition et son intelligence des textes lui avaient permis de découvrir. Le Père Théry étant mort subitement en 1959, à soixante-huit ans, son disciple et ami, l'abbé Joseph Bertuel, qui avait étroitement collaboré avec lui les dernières années de sa vie et publié en son nom ses derniers ouvrages, prit la suite de sa pensée et de son apostolat. C'est à lui que nous devons ce premier ouvrage de vulgarisation des travaux du Père Théry, dont les savantes études précédentes sont d'ailleurs devenues introuvables. C'est un grand service qu'il rend à l'Eglise et à sa mission rédemptrice universelle, telle que notre pape Jean-Paul 11 ne cesse de la proclamer. En plus du mystère percé, ce livre peut être, dans un sentiment de vraie charité, un instrument efficace de conversion de nos frères musulmans aspirant à une foi plus vive. Il suffit de leur faire comprendre qu'ils n'ont rien à renier de ce qu'ils ont cru, en gros, de la toute

(9) L'abbé Bertuel m'a dit que ces deux mots tirés de l'hébreu slgnlfla1ent : Grâœ, Joie (hanna) et Dieu s'est souvenu (zekar-Ya). Réunis dans une même expression, 1,ls .pourraient se traduire : C'est une grice que Dieu se soit souvenu de mol, ou Grice (soit) à Dteu qui s'est tourné vers mol. le P. Théry a voulu sans doute remercier Dieu d'avoir éclairé ses recherches, après ·l'avoir placé dans les circonstances particulières qui ·l'ont Irrésistiblement poussé à entreprendre ce travail.

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L'ISLAM, SES VÉRITABLES ORIGINES

puissance divine (sauf sans doute une vue trop sensuelle du paradis de Mahomet), mais seulement à y ajouter la Révélation chr,ff:tienne de l'Evangile, épanouissement de ce qui était en substance dans l'Ancien Testament et dont ils ont recueilli des bribes avec le Coran. Tous les chrétiens connaissent les prédictions de saint Paul, dans le chapitre XI de l'épître aux Romains, sur le regroupement futur des Juifs en Terre Sainte, alors qu'ils y étaient moins de dix mille il y a soixante ans, et sur leur conversion finale au Christ. Il n'est pas interdit de penser que les musulmans, restés imprégnés par le Coran du ·judaïsme rigide post-messianique dans lequel ils se sont figés, participeront comme les Juifs pieux à. ce « retour de la mort à la vie» (10). Dieu seul sait par quels méandres doit encore serpenter l'affrontement israëlo-arabe avant d'en arriver là... Le texte suivant d'Isaïe (XIX - 24, 25) alimente la réflexion et nourrit nos espérances communes : « En ce jour-là, Israël sera en tiers avec l'Egypte et Assour (Syrie-Mésopotamie) et, au milieu de la terre, une bénédiction. Yahwé le bénira en disant : « Bénis soient l'Egypte, mon peuple, et Assour, l'œuvre de mes mains, et mon héritage, Israël ». L'étonnement des premiers Juifs convertis au christianisme, comme saint Pierre, de voir les Gentils (c'està-dire nous autres, les non-Juifs) participer à la grâce de la Rédemption, alors qu'ils estimaient devoir en être un jour les seuls bénéficiaires, n'aura d'égal que notre propre étonnement, à nous chrétiens d'aujourd'hui ou de demain, de voir des judaïsants, Juifs ou Arabes, partager aussi notre grâce et se retrouver à nos côtés sur le chemin de l'éternité. Amiral AUPHAN 15 août 1980 en la fête de !'Assomption de la Sainte Vierge .

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(10) Safnt Paul, épttre aux ROtft&lns XI, 15.

LIBRE PROPOS Dans le travail que nous présentons aujourd'hw au public, nous nous efforçons de rendre accessibles aux lecteurs non spécialisés dans les études coraniques les analyses qu'avec le Père Gabriel Théry, 0.P., nous avions publiées sous le titre de « De Moïse à Mohammed ». Plus précisément, le P. Théry, après avoir édité lui-même les deux premiers volumes de cet ouvrage, me fit l'honneur de demaQder ma collaboration pour les deux derniers tomes. Son décès inattendu m'obligea à les terminer seul. Le P. Théry (1891-1959). Théologien éminent, membre de l'Académie Pontificale, fin critique, fondateur avec Etienne Gilson des Archives doctrinales et littéraires du Moyen Age, fondateur de l'Institut Historique Sainte-Sabine à Rome, professeur à l'Institut Catholique de Paris, membre de la section historique de la Sacrée Congrégation des rites, n'était donc pas un pèlerin égaré dans les études d'histoire religieuse et la critique interne des textes les plus obscurs. Sa réputation scientifique dépassait largement les frontières de notre pays. Aussi, « De Moïse à Mohammed » reçut-il tout de suite, de la part de missionnaires, prêtres, évêques, vivant en terre d'islam ou dans des pays subissant la pression des mahométans, un accueil chaleureux. Des laïcs, ne pouvant accepter les « explications rationnellement irrecevables données jusqu'alors par les coranologues les J:)lus connus», déclarèrent avoir trouvé dans ces travaux la seule solution satisfaisante pour l'esprit au problème des origines de l'islam arabe. Par deux fois, après la publication de

chacun de nos deux derniers tomes, le cardinal Richaud, d'autres évêques, et des théologiens, nous écrivirent pour nous dire leur satisfaction. Cette volumineuse corres-

pondance, nous l'avons conservée comme témoignage des services intellectuels et spirituels que ces livres ont rendus. Les lecteurs qui les possèdent encore pourront

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toujours s'y référer pour un surcroît de preuves ou de commentaires, car nous nous en tiendrons ici à l'essentiel. Qu'on nous entende bien : notre but n'est pas d'étudier les multiples aspects de l'islam constitué, son histoire, la façon dont il s'exprime de la Yougoslavie au Sinkiang, du Maroc à Madagascar et à l'Indonésie. On n'aura rien compris à l'islam arabe tant qu'on ne l'aura pas défini à partir de son livre fondamental appelé «Coran», tout comme on ne peut rien comprendre au christianisme authentique si l'on ne remonte à son point de départ, qui est le Christ des évangiles. Or les études concernant l'apparition historique et l'élaboration du « Coran » sont rares. De plus, elles laissent l'esprit insatisfait, parce qu'elles sont bâties sur un a priori incontesté et absolu : pour tous, ce livre de l'islam. arabe est le «Coran», révélé par Dieu, et Mohammed est un prophète. Dès le début, on voudrait nous imposer cet axiome. Cela est scientifiquement inacceptable. Nous admettons parfaitement que le Livre arabe de l'islam puisse être ce que l'on nous en dit. Mais nous voulons des preuves. De même pour Mohammed. On appelle « Coran » le livre arabe qui, selon les musulmans, contient les révélations faites par Allah ou Dieu - sur le mont Hira non loin de La Mecque, au cours d'une nuit. C'est donc avant tout le livre de Dieu, et non la loi de Mahomet : rien de ce qu'il contient, selon la plus stricte orthoddxie musulmane, ne doit être attribué à une réflexion, interprétation, ou explication, personnelles de Mahomet. Si l'on nous pe1·met cette co1nparaison, Mahomet n'est qu'un « récepteur-émetteur » qui a dicté à de nombreux «secrétaires» utilisant les matériaux les plus hétéroclites ce que l'archange Gabriel lui avait murmuré à l'oreille, et qu'il lui aurait rappelé en détail dans les diverses circonstances de son apostolat. Quand on ouvre pour la première fois le «Coran», il apparaît comme un recueil de récits de guerre ou d'esca1111ouches .loçales, de complots et de disputes, de discours apolrigétiques ponctués de ser1nents et d'invectives, d'enseignements pour la conduite personnelle et l'organisation sociale, de passages d'instruction rel~gieuse plus didactiques illustrés par des extraits de la Bible et des commentaires rabbiniques.

LIBRE PROPOS

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Les chapitres, ou sourates, se suivent pêle-mêle sans ordre chronologique ni logique. Finalement, on s'aperçoit qu'il s'agit là d'une sorte de chronique de la conversion des Arabes à la foi au Dieu de la Bible. Celui qui a r~digé ce récit est celui-là même qui a vécu les événements, les a provoqués et les a conduits à leur terme. D'un bout à l'autre, c'est lui qui mène le jeu. Or, à partir d'un certain moment qui se situe dans les débuts de son ·e ntreprise, cet homme, pour inviter ses auditeurs à se -convertir au vrai Dieu et se soumettre à ses lois, se réfère précisément au Coran comme à un livre déjà écrit entier, alors que celui qu'il est en train d'écrire est fort loin d'être achevé. Quel est donc le vrai Coran? Celui qui porte ·aujourd'hui ce nom? ou celui auquel il renvoie ? Tel est le problème qu'il nous faudra bien résoudre ·e n temps opportun. On comprendra alors pourquoi, jusqu'à plus ample informé, quand nous parlerons du livre ·que nous étudions, nommé «Coran», nous mettons ce titre entre guillemets afin de marquer notre réserve. Nous préférons même le désigner par l'expression de Livre arabe de l'islam qui nous semble plus juste. Et nous pesons bien chaque mot. Nous le qualifions d'arabe, d'abord parce qu'il est écrit en cette langue ; ensuite, pour indiquer que l'islam n'est pas forcément, comme on pourrait le croire, spécifiquement arabe. Il n'est qu'une manifestation tardive, chez les Arabes du Hedjaz, d'un islam authentique qui ne leur doit absolument rien et auquel ils doivent tout, comme nous le verrons. Seuls, les textes du Livre nous permettront d'accepter ou de rejeter les prétentions communément affi11nées sans preuves de ceux qui tiennent le Coran » pour le livre ·des révélations divines à Mohammed, et l'islam pour une religion nouvelle et originale, « la troisième grande religion» du bassin méditerranéen. Nous entendons avan·cer sur un terrain fen11e, assurant nos conclusions sur ce que peut nous apprendre la critique interne des sourates. Ce faisant, nous n'avons nullement l'intention de détruire la foi des croyants, mais au contraire de l'éclairer en toute objectivité, en toute probité intetlectuelle, et en toute bienveillance. (<

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POSITIONS EN PRl!SENCE

A - LES

MUSULMANS

Leur position est universellement connue : le «Coran» est un livre révélé. Il n'a donc pas de paternité humaine. Dieu en est l'auteur et ce serait un blasphème pour un humain que d'oser même penser à faire l'histoire de la parole de Dieu. On doit se borner à l'apprendre par cœur. C'est pourquoi, chez eux, le « Coran», qui a donné naissance à une multitude d'études linguistiques, à une casuistique effrénée, à une prolifération presque maladive de prescriptions juridiques, n'a jamais fait l'objet de recherches méthodiques sur la genèse de son apparition, son développement interne, ses raisons d'exister. Le musulman arabe se refuse catégoriquement à ces sortes de démarches. C'est la possibilité même des études co·r aniques qu'il repousse, en raison du principe a priori de la révélation du « Coran ». Or, c'est précisément de cette possibilité que nous prétendons revendiquer les droits. Si les musulmans en refusent la légitimité, ce n'est pas à cause d'une moindre exigence intellectuelle, mais à cause d'un manque de formation de l'esprit. On rencontre de très bons avocats musulmans qui s'entendent à disséquer des textes juridiques. Il y a de bons médecins qui évoluent facilement dans les diagnostics variés. Mais - et c'est le point fondamental qui nous intéresse - on ne trouve chez eux aucun historien coranique. Pourquoi un musulman serait-il incapable de faire de l'histoire religieuse, alors que, par ailleurs, il n'est pas par essence inapte aux sciences juridiques, médicales, administratives, ou politiques ? Pour la majorité des musulmans, masse encore considérablement illettrée, la somme de toutes connaissances se limite aux versets du « Coran» appris dès l'enfance. Et chez les lettrés, toute velléité de recherches religieuses est entravée, sinon annihilée, par le caractère peccamineux qui s'attache à toute investigation ·o bjective quant aux origines de la religion islamique et du « Coran». Le « Coran» est parole de Dieu : on ne

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L'ISLAM, SES VÉRITABLES ORIGINES

le discute pas, on n'en discute pas, on lui obéit. Le coup de massue originel qui a converti à l'islam, au vit' ·siècle, les peuples du Proche-Orient et les populations berbères de l'Afrique, continue de peser sur eux. On a bien soin d'ailleurs. d'en perpétuer l'efficacité, le « Coran » étant un instrument politique qui résoud toutes les objections et s'avère précieux pour soulever ou apaiser tour . à tour les foules « au nom d'Allah». Le musulman, disions-nous, n'est pas forcément ïnintelligent. Admettons donc que le «Coran» soit parole révélée. Dieu, dans cette révélation, n'est pas seul. Si, dans sa miséricorde, il décide de faire participer l'humanité à la connaissance de la Vérité éternelle, il faudra bien qu'il prenne un moyen capable de toucher les hommes. Cet instrument, ce canal vivant, ce sera 11n prophète. Les conseils, les. ordres donnés dans les sourates de Médine, relatifs aux femmes, à la guerre sainte, au butin, étaient bel et bien prononcés par un homme, non par la bouche d'Allah. Toute révélation est essentiellement une collaboration intellectuelle entre Dieu et l'homme, Dieu étant la cause principale, et l'homme la cause instrumentale. Seul, l'acte créateur est unilatéral. Toute autre action est une collaboration. Prenons comme exemple l'acte le plus banal : enfoncer un clou. C'est l'homme qui travaille; mais aussi le marteau. Ils sont en étroite communion d'action, mais différemment : l'homme COf\ÇOit, réfléchit, -dirige; le marteau frappe, exécute. L'homme est la cause principale, le marteau la cause instrumentale. Si la première était inerte, la seconde serait sans vie. La preuve · en est simple : tant que l'homme ne saisira pas le marteau, ne l'activera pas, celui-ci restera immobile et ne pourra jamais remplir sa fonction de marteau, c'està-dire son action propre. L'action de la cause instrumentale, tout comme son mode d'agir, dépendent essentiellement de la cause principale. Ce qui est vrai pour toute collaboration l'est aussi pour cette collaboration spéciale qui s'appelle l'inspiration. Ce mode particulier de connaissance - car nous ·sommes ici dans le domaine purement intellectuel ·est véritablement une collaboration entre une cause principale : Dieu, et une cause instrumentale : l'homme ; ce qui veut dire tout d'abord que l'action de l'instrument humain dépend entièrement de Dieu, qui éclaire l'intelligence humaine et lui communique le donné révélé,

POSITIONS EN PRÉSENCE

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de quelque nature qu'il soit. Mais cela signifie encore autre chose : si l'homme n'est qu'un instrument, il a cependant son activité propre. Si le marteau était inactif, sans efficience, le clou ne serait jamais enfoncé. L'inst~ment ne peut rien sans l'agent principal ; c'est certain; mais réciproquement ce dernier serait complètement inopérant, dans le courant ordinaire de l'action, sans la participation de l'instrument . Pour bien comprendre cela, un principe général va nous éclairer : Chaque être agit selon sa nature. Un marteau n'agit pas comme une éponge, ni un homme comme un caillou. S'il en était autrement, n'importe quoi pourrait servir à n'importe quoi. Par conséquent, dans l'ordre naturel des choses, l'instrument conserve son activité propre, en c.onformité avec sa nature. L'agent principal non seulement ne la supprime pas, mais il la suppose entière. Quand il s'agira de révélation, tout sera simultanément effet de la cause principale et dé la cause instrumentale. Si l'homme était pure passivité, il serait inutile. Il ne sera pas non plus un canal amorphe; il travaillera avec Dieu. Tout, par conséquent, sera à sa place, résult~t de l'activité divine et de · l'activité intellectuelle de l'homme. C'est ce qui explique que, dans le donné révélé, tout est divin et tout est humain, et que rien ne peut échapper à cette intime collaboration : la simple virgule, comme la plus sublime pensée, est à la fois travail de . Dieu et travail de l'homme. Le prophète sera donc cause instrumentale entre les mains du Très-Haut. Il conservera toutes les modalités de sa nature et de son activité. Si l'auteur du Livre de l'islam arabe a reçu des révélations, il entre forcément dans l'histoire de la Révélation, à titre de causalité instrumentale; c'est-à-dire dans son cadre chronologique, historique, moral, religieux, avec toutes les influences naturelles qui ont agi sur son tempérament. Voilà pourquoi nous revendiquons pour !~histoire le droit d'appliquer ses méthodes dans l'étude du.« Coran», comme elle l'a fait pour la Bible et les écrits du Nouveau Testament, sans pour autant les anéantir.

B -

LES OCCIDENTAUX

Chez les occidentaux, d'autres raisons viennent généralement fausser les études coraniques. Il faut d'abord regretter chez beaucoup d'érudits l'absence de sens

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L'ISLAM, SES VÉRITABLES ORIGINES

historique. Tous les coranologues savent que le « Coran » othmanien est un défi- à l'histoire et à l'intelligence du texte. La chronologie y est remplacée par le centimètre . . Othman, selon la « tradition» musulmane, serait un homme de la tribu des Qoraïsch, comme Mohammed. Pour épouser une des filles du « prophète », fort belle, il dut se convertir. Or, cet Othman devint, en 644, le troisième khalife, c'est-à-dire le troisième successeur de son ·beau-père, le chef politique et religieux des Croyants. C'est à lui qu'est attribuée l'édition définitive du « Coran>>. Afin d'accaparer pour son compte personnel « les paroles d'Allah », il aurait pris soin de faire détruire toutes les copies du texte « coranique », et il ne conserva que la sienne sur laquelle il se livra à une curieuse opération : il ordonna tous les feuillets de telle sorte que le chapitre le plus long soit placé le premier, et les autres à sa suite selon leur-longueur décroissante. Ce qui eut pour effet de r~ndre inintelligible, à leur lecture, la genèse et le développement de la prédication islamique. Possesseur du seul « Coran » original auquel il avait fait subir ce que certains appellent ce « carambolage de textes», il pouvait ainsi gouverner au nom d'Allah toute la communauté islamique, en tirant du « Coran» les explications qui convenaient le mieux à ses actes politiques. ·c urieux personnage que nous connaissons si peu, et sur lequel repose tout le développement de l'islam! Malgré ses succès militaires en Nubie et en Perse, il réussit, par son népotisme et sa mainmise sur la « Révélation», à mécontenter un certain nombre de musulmans. Il mourut assassiné par des énergumènes. Mais ses successeurs immédiats, probablement pour des raisons identiques, d'ordre politique, ne rétablirent jamais l'ordre chronologique des sourates, alors que, si près des origines, cela ne devait pas comporter de grandes difficultés. « Le temps qui sur toute ombre en verse une plus noire ... » fit le reste. L'oubli des origines fit bientôt place à l'imagination avide de détails. Peu à peu, on « sut » absolument tout, sur les faits et gestes de Mohammed, de sa naissance à sa mort (570-632 ). Des conteurs arabes au talent incontestable, dèpuis Ibn-Ishaq (mort en 772) jusqu'à al-Balâdurî( mort en 901), « découvrirent » les moindres détails de la « vie du Prophète » (Sirât rasul Allah), et recueillirent les échos de ses

POSITIONS EN PRÉSENCE

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moindres paroles (le Hadith), jusqu'à at-Tabari (mort en 923) qui, avec quelques autres, contribuèrent à « trouver » quelques renseignements supplémentaires (1 ). Aucun islamologue sérieux, depuis le P. Lammens jusqu'à Régis Blachère, n'accorde une valeur historique quelconque à ces «biographies» . Blachère résume parfaitement leur point de vue en écrivant : « L'historicité de ces · données '"traditionnelles et ces récits ont tellement l'air de cqntes merveilleux qu'il est difficile d'en faire sérieusement état » (2). Revenons donc au «Coran» othmanien. Comment rétablir l'ordre réel de ces sourates dont la rédaction s'échelonne sur une période de quelque vingt ans, si nous acceptons sans discuter la « tradition » musulmane ? Dans cette masse de plus ·de 6 000 versets, bien rares sont les points de repères historiques qui nous permettraient d'attribuer à certains chapitres une date absolue servant de pivot pour le groupement d'autres sourates. Les unes ont été écrites à La Mecque, les autres à Médïne. Mais les allusions historiques qu'on croit pouvoir trouver dans les sou1·ates médinoises sont trop incertaines pour servir de base à un raisonnement convaincant. Nous les analyserons en temps opportun. Avant d'aborder toute étude coranique, il faut donc, dans ]a mesure du possible, restituer l'ordre chronologique des sourates pour fixer les différentes étapes de la prédication de l'islam à La Mecque, puis à Médine. Travail primordial si l'on veut comprendre le souffle intérieur de l'islam, ses origines, son développement interne. Personne aujourd'hui n'oserait aborder l'étude d'un quelconque écrivain sans tenir compte de la chronologie de ses œuvres. C'est un principe premier de toute étude historique. ·

(1) Nous limitons volontairement la nomenclature ".ie ces auteurs, connus de tous les coranologues. que nous supposons sans intérêt pour les lecteurs de ce livre. - Citons : Al Bokhari et Moslim, en arabP (10 vol.) et, en fran~is. Les Traditions islamiques· d'AI Bokhari, traduit par O . Oudas et W . Marçais. (2) Si l'on tient à connaitre par le menu détail toute la • vie de Mahomet • dans une étude d'ensemble portant sur la Sirah, on peut lire : LE PROPH~TE DE L'ISLAM, T. 1, Sa Vie; T. Il, Son Œuvre, par Mohammed HAMIDULLAH ;

chez J . Vrin, Paris 1959, 1378 H.

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L'ISLAM, SES VÉRITABJPS ORIGI~

Ainsi privés de tout appui historique sérieux, certains ·e xégètes ont cherché dans des analyses stylistiques, littéraires, et conceptuelles, le moyen d'établir dans les 114 sourates du « Coran » othmanien un certain ordre de succession (3 ). · Tous sont d'accord pour distinguer un bloc de sourates mecquoises, et un autre de sourates médinoises. Globalement, on peut admettre que 90 sourates appartiennent à la · première période, les 24 autres pouvant ·ê tre classées dans la seconde ; classification générale déjà fort appréciable, mais qui ne présentait pas, dans l'ensemble, des difficultés insurmontables. La méthode stylistique s'avérant rentable, ces exé·g ètes essayèrent de pousser leurs avantages en conjuguant l'analyse proprement littéraire et conceptuelle avec le développement extérieur de la nouvelle religion mecquoise, et parfois aussi avec la psychologie du prédicateur supposé - Mohammed - telle qu'ils la concevaient. Par de patientes recherches et de judicieuses remarques, ils arrivèrent à distinguer dans les sourates mecquoises trois périodes, marquant la progression de l'islam par1ni les polythéistes.

Grimme commence par grouper 38 sourates autour de quelques idées très simples : idée d'un Dieu ToutPuissant (rabb) et unique, Allah ; résurrection et jugement dernier; joies du paradis et souffrances de l'enfer. Pendant cette période, dit-il, Mohammed reste prédicateur; il n'est pas encore prophète. Vient ensuite une période de transition, comportant 10 sourates, caractérisée par quelques idées nouvelles : proximité du jugement dernier; négation de la féminité des anges ; les sept portes de l'enfer ; nouveaux vocables de la divinité. Vient enfin la troisième période mecquoise couverte par 40 sourates, ce qui fait en tout 88 souràtes mecquoi-

(3) Parmi ces exégètes, nous devons citer GRIMME (H.) : Mohammed, t. 1. Das Leben, Munich 1892; t. Il. Einleitung in den Koran . System der Koranlschen Theologie, 1895. - hlRSHFEl.O, Hartwlg-Hlrschfeld, New Researches lnto the Compo~ition and Exegesls of the Qoran, Londres 1902. - Et surtout : . NOLOEKE-SCHWALLY, Gesch,chte des Qoran, 2• éd., 1re partie : Ueber den Ursprung des Qorans, Leipzig, 1909; 11• partie : Die Sammlung des Qorans, Leipzig, 1919.

POSITIONS EN PIŒSENCE

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ses. Cette dèrnière est caractérisée par des discussions sur la grâce de Dieu, la révélation du Livre, les prophètes antérieurs à Mohammed, Moïse et Aaron, Abraham, Isaac et Jacob. On y mentionne aussi le Nouveau Testament, en particulier Jésus et sa mère Marie. La grâce de Dieu (Rahma), est envisagée surtou~ comme miséricorde et longanimité dans le jugement des hommes par Allah, surtout à l'égard des Mecquois. Dans toutes ces sourates, on peut remarquer l'emploi fréquent de paraboles. Evidemment, l'analyse conceptuelle des sourates mecquoises He constitue, dans le travail de Grimme, · qu'une simple esquisse. On peut reprocher à cet exégète de n'avoir retenu pour son classement que des données souvent accidentelles fort peu caractéristiques, chevauchant d'une période sur une autre. Si nous parlons de ce travail, c'est uniquement pour signaler un effort louable dans le but d'établir certaines charnières, dans le terne défilé des sourates othmaniennes. Le classement de Noldeke-Schwally a reçu davantage 1a faveur des érudits. Il repose, lui aussi, sur quelques remarques stylistiques très simples. Noldeke note que, ·dans la 1" période mecquoise englobant 48 sourates, c'est « Dieu qui parle lui-même». L'homme disparaît, comme dans les livres des grands proph.è tes d'Israël. Style grandiose, plein d'images hardies. Trente serments, contre un seul à Médine. Dans ces chapitres, très courts, Mohammed est traité p~r ses auditeurs de fou et de menteur. En combinant les résultats stylistiques avec les données traditionnelles, Noldeke distingue dans les sourates mecquoises trois groupes principaux correspondant à un développement externe plus large et plus précis des idées religieuses de Mohammed. On comprendra à la fin de notre ouvrage pourquoi, en applaudissant au principe même du classement historique des sourates et tout en acceptant provisoirement les principaux résultats obtenus sur ce point, nous repoussons catégoriquement la conception de l'islam supposée dans l'ouvrage de Noldeke, encombré des légendes traditionnelles auxquelles per- · sonne, en dehors de l'isla~, n'accorde le moindre crédit. On aurait pu s'attendre à ce que les historiens coraniques, instruits du contre-sens historique du « Coran » othmanien, fassent, eux aussi, quelque effort pour se conformer à l'ordre chronologique, tout en restant libres de le modifier pour des raisons sérieuses. Or, il n'en est

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rien. Ils continuent de traiter généralement le Livre de l'islam comme un bloc statique et uniforme. En écrivant ces lignes, nous avons sous les yeux l'ouvrage de Tor Andrre, Mahomet, sa vie et sa doctrine (Paris, A. Maisonneuve, 1945) que M. Gaudefroy-Demombynes, maître incontesté des études islamiques, présente comme uil ouvrage d'initiation à l'islam. Tor Andrre y expose des théories inspirées par des textes pris indistinctement dans n'importe quelle sourate, sans aucun souci ni de la chronologie, ni de l'évolution des esprits, des idées, et des situations : mélange invraisemblable de textes destinés à étayer des conclusions qui peuvent satisfaire l'auteur, mais qui nous déconcertent pour les raisons qui viennent d'être mentionnées. L'ouvrage de Montet, « Le Coran» (Payot, Paris 1929) est celui d'un arabisant, sans plus. Il explique les sourates les unes après les autres dans l'ordre othmanien, mais ne fait aucune discrimination de temps ni de lieu. Cette absence du sens de l'histoire fait que les textes sont jetés pêle-mêle les uns sur les autres sans la moindre corrélation entre eux. De ce fait, leur explication pose des problèmes insurmontables et le résultat de ce travail monumental ne peut que décevoir. Les ouvrages de Régis Blachère, Le Coran, traduction selon un essai de reclassement des sourates (T. I, Paris 1947) (T. II, Paris 1949) (T. III, Paris 1951), et Le problè1ne de Mahomet (1952), constituent un réel et grand progrès sur les travaux précédents. On y sent le souci constant de la chronologie et de l'exactitude dans la traduction. Mais à notre avis, comme on le verra, il est fort regrettable que M. Blachère n'ait pas eu à un même degré le souci du réel et de l'objet, et fonde ses commentaires sur cette « tradition » arabe dont il a signalé luimême le peu de cas que l'on doit en faire. De ce chef, ses ouvrages, à peine nés, nous paraissent déjà vieillis. Nous regrettons qu'il n'ait pas su se dégager de l'environnement traditionnel des études coraniques.

C - NOTRE MÉTHODE

L'apostolat religieux qui devait aboutir à l'islamisation des arabes, commencé aux environs de 610, s'achève en 632. Aucune raison majeure, appuyée sur un document

POSITIONS EN PimSENCE

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authentique, ne nous oblige à refuser ces dates. Cela d'ailleurs importe peu. Inaugurée à La Mecque, cette activité religieuse se te1·111inera à Médine. Elle a donc un commencement~un milieu et une fin. Chacune de ces périodes baigne, pour ainsi dire, dans une atmosphère et des circonstances différentes. L'idéal du prédicateur de l'islam a subi, au cours de ses dernières vingt-cinq années, bien des transformations. Il s'est développé et modifié. Les réactions des auditeurs sont multiples et variées. Nous en entendons l'écho dans les sourates. Il faut donc tenir compte de toute cette évolution : - évolution du donné religieux de l'islam arabe naissant, - évolution dans la vie intérieure de celui qui reçoit cette instruction doctrinale et morale (Mohammed), - évolution dans l'acceptation du message par ses contemporains. Le Livre arabe de l'islam nous raconte un drame qui se joue pendant un quart de siècle. L'historien doit en respecter la trame. L'érudit n'a aucune chance d'aboutir à une vision réelle des choses s'il continue de puiser inconsidérément des textes dans les différentes périodes pour les brasser dans un même sac, avec l'idée d'en sortir une synthèse historico-dogmatique du « _C oran ». Pareil amalgame n'a rien de commun avec une synthèse qui, dans notre cas, se résoud par une vue des événements reposant sur une analyse chronologique des textes. Notre procès des études coraniques est sévère, nous le savons. Mais tout ce que nous avons lu de la littérature coranique nous a plongé dans une profonde tristesse en pensant aux érudits et aux historiens du monde entier qui ont fait et font encore fausse route, égarant à leur suite l'opinion publique si crédule dans les domaines qu'elle ignore. Après avoir lu toutes ces analyses et explications, où l'imagination l'emporte sur l'histoire, il nous a fallu tout recommencer à la base, en nous dégageant d'abord de tout un appareil de fausse érudition et d'incroyables légendes. Finalement, le travail le plus difficile a été, et sera toujours, de se replacer tout simplement en face des textes du « Coran » arabe. En ce sens, notre ouvrage n'est pas un travail de linguistique ni d'érudition, encore moins une étude exhaustive des origines de l'islam arabe.

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1

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Loin d'épuiser le sujet, nos indications per1nettront de lire avec plus d'attrait et de compréhension les milliers de versets d'un livre qui est devenu le guide de plusieurs ·centaines de millions d'hommes (4). Quant aux résultats de notre étude, on les connaîtra au ter1ne du voyage.

(4) Nous citerons habituellement la traduction de Blachère, qui aurait beaucoup gagné à être plus claire dans l'expression, moins rivée aux légendes musulmanes. Mais la plus grande déficience de Blachère est d'ignorer l'Ancien Testament, ce Qui est une immense lacune quand on veut traduire un ouvrage qui s'y réfère sans ÇfSfe. . La numérotation occidentale des versets du Coran, utilisée par Blachère, diffère quelque peu de la numérotation arabe. Voir table de concordance, MASSON (O.), Le Coran, Gallimard, 1967, p. 983 et sulv.

CHAPITRE

I

A - LE MILIEU GEOGRAPHIQUE ET ECONOMIQUE

A l'époque où commence la prédication contenue dans le Livre de l'islam en Arabie, La Mecque, qui deux siècles auparavant n'était encore qu'une agglomération mouvante autour du puits de Zemzem, constituait un centre commercial de grande importance. Au VIIIe siècle avant J.-C., du temps d'Isaïe, et même d'Ezéchiel, les marchandises de la Perse et des Indes parvenaient en Syr ie par la voie directe qui, remontant de la vallée de !'Euphrate, passait au nord du désert syrien (1 ). Les Arabes dont parle Isaïe (2), nomades qui payaient leurs impôts en troupeaux (3), fils du désert (4) et fils de l'Orient (5), qui circulaient entre !'Euphrate et la Mer Morte (6 ), comptaient déjà parmi les commer·çants les plus entreprenants : « Declan trafiquait avec toi des couvertures de cheval. L'Arabie et tot1s les princes de Cédar eux-mêmes trafiquaient avec toi : ils faisaient commerce d'agneaux, de béliers et de boucs. Les marchands de Séba et de Rahma trafiquaient avec toi : ils te pourvoyaient d'aromates de première qualité, de pierres précieuses et d'or ... Les bateaux de Tarsis naviguaient pour ton approvisionnement» (7). Au VIe siècle de notre ère, la situation a complètement changé. Les rivalités entre Romains et Sassanides ren-

(1) Sur l'histoire du commerce dans l'AntiQuité, voir surtout TOUTAIN (J .). L'économie antique [collection de BEAR (H.). Evolution de l'humanité], Paris 1927, p. 180, etc. : Les grandes voies commerciales de terre, d 'eau et de mer. ~ Voir aussi l'ouvrage de KAMMERER (A.) , La Mer Rouge, l'Abyssi-· nie et l'Arabie depuis /'Antiquité, t. 1, Le Caire 1929, en particulier le ch. VI. Voir aussi STARCKY (J.) , Palmyre dans l'Orient ancien illustré, Paris 1952. (2) Isaïe, XIII , 20. dans la Bible dite de Jérusalem.

(3) Il Chroniques, XVII , 11 . (4) Isaïe XX, 13 ; Jer. XLIX. 28-29.

(5) Ezéchiel, XXVII, 21 . (6) L'Arabie biblique n'englobait ni la presqu'île sinaïtique, ni l'Arabie, Pétrée, ni la péninsule arabique. Les Livres Saints ne mentionnent aucune

tribu arabe au sud du Hedjaz. (7) Ezéchiel, XXVII , 20-25.

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,

,

L ISLAM, SES VERITABLES ORIGINES

dent les routes du nord incertaines. Mais les commerçants de tous temps et de toutes races sont tenaces et ingénieux. Ils savent « crever » les barrières politiques et même militaires pour pousser leurs marchandises de l'avant. Il existe une géographie du commerce. Comme il est difficile aux vc et VIe siècles de circuler du nord-est au nord-ouest, on passera du sud au nord. On contourne le danger, et c'est désormais sur les rives de la Mer Rouge que s'entasseront les dépôts. La Mecque est devenue une nécessité, une nécessité commerciale. C'est une république de marchands, créée sans plan défini, par instinct naturel. La Mecque, centre commercial, est née d'une bc>usculade politique, et de la volonté de. survie chez les trafiquants orientaux, qui veulent échapper aux pillards et aux pirates (7 bis). Par contre, au VIIe siècle, Bagdad, 1,olitiquement dominée par la Perse, intellectuellement sous l'influence prépondérante des nestoriens syriaques, en réalisant au profit du califat musulman l'unité du Proche-Orient, rendra paix et liberté à l'ancienne route classique qui. des Indes, aboutissait ,~n Syrie par Je golfe persique et la vallée de !'Euphrate. Ce faisant, elle précipita la ruine commerciale de La Meèque et de la région, ruine déjà amorcée par les ar>probations données aux coupeurs de palmiers à Médine (8) : « Ce que vous avez coupé (de) palmiers, et ceux que vous avez laissés debout sur leurs racines, cela s'est fait avec la permission d'Allah pour confondre les fauteurs d'iniquité» (sour. LIX, 5). Combler un puits dans le désert, couper un palmier dans tine oasis, c'est semer des germes de mort ; du vivant même de Mohammed, l~a Mecque était déjà entrée dans le sillage de la décadence. Pour les Abbassides, de rivale elle deviendra bientôt ennemie. La Mecque tombera sous les coups calculés et répétés de ces sulta.' ls nnaissance de Sa Loi et s'y soumettre est l'eflet de Sa Miséricorde. Nous ne pensons pas devoir insis_ter davantage sur ce point. Dieu est qualifié de Seigneur des Mondes tout au long des sourates qui racontent la vie de Moïse et ses discussions avec Pharaon, ainsi qu'en plusieurs autres textes. Mais dans la sour. XIX, 57, Abraham, dans sa discussion avec son père et les gens de sa tribu, donne l'équivalent de ce terme : « votre Seigneur est le . Seigneu r des Cieux et de la Terre » ; autrement dit, de l'Univers. La Puissance de Dieu est partout exprimée dans l'A.T. Cependant, nous pouvons remarquer que l'expression « Seig11eur du Monde », ou « Seigneur des Mo11des » n'est pas hébraïque. Naturellement, nous trouvons dans les Livres hébreux des formules équivalentes, mais il n'y a pas de mot pour traduire le terme n1onde, cosn10s, qui est d'origine grecque. Il a fallu attendre le IIe Li,,re des Macchabées, écrit en grec par un juif hellénisant du IIe siècle av. J.C. pour le trouver dans nos Livres Saints. A cette date, les juifs voulant donner un nou\·el élan aux cérémonies du Temple, commencèrent à employer des expressions comme : « Dieu, maître du Cos111.os, cle l'U11ivers » (II Macc. VIII , 18 : Dieu, maître de toutes choses ; ibid. XII, 15 : le grand souverain du Monde). Il n'est pas impossible que le prédicateur de La Mecque ait connu une version syriaque de ces Livres, d'après le grec ; mais nous n'avons auct1n indice certain pour affirmer ce fait . •

D'ailleurs, si nous nous référons au texte arabe de la sour. LXXXI, 29 et des autres passages similaires que nous venons d'indiquer, le texte dit : Rabbi l'-lilamîn, 'ala,nîn étant le pluriel de 'alâ111 qui, en l1ébreu comme en syriaque, signifie originairement siècle, le sens de 111onde n'étant que secondaire et· dérivé. 'Olâ111, appliqué aux Lévites, signifie jttsqu'à 50 ans, dit le Talmud Biccurim, II, t. III, p. 370-371 . Rabbi l -âla111în devrait donc être traduit par Seig11ei1r des siècles. 'Olâ111 nous oriente vers une dominatile cherchera précisément à renverser! En vérité, nous n'entendons ici ni un jeune homme dont nous ne pouvons déterminer les convictio11s religieuses, ni Allah, ni aucune autre divinité. C'est toujours le même maître qui rappelle à son disciple les bienfaits de Dieu et l'invite à prier, à offrir au Dieu Unique et Tout-Puissant un sacrifice d'action de grâce. Désormais, lui dit-il en quelque sorte, par ta conversion tu fais partie de son peuple élu. C'est pour toi le bonheur suprême en cette , vie. Les vrais déshérités, ce sont tes détracteurs. Mais ton Dieu ne se trompe jamais. Qu'il bénisse ta tribu, les Qoraïch. Qu'il leur donne paix et concorde pour les caravanes de l'hiver et de l'été. Qu'ils viennent tous avec toi adorer le Seigneur qui les préserve de la faim et les garde de la peur. Lui seul peut être le Seigneur de n'importe quel temple en toute vérité, car les divinités ne sont rien (19). La sourate CV dont nous avons parlé à propos des racontars sur la « naissance de Mohammed» suppose, elle aussi, la conversion de ce dernier au judaïsme : « N'as-:tu point vu comment ton Seign_eur a traité les hommes de !'Eléphant ? ... Ton Seigneur en fit comme un

(19) Sour. CVI, 1-5 : .. Pour l'entente des Ooraich, de leur entente dans la caravane d'hiver et d'été. Qu'ils adorent le Seigneur de cette Maison, qui les a munis contre la faim et mis à l'abri d'une crainte. ,.

UN ÉLÈVE DIFFICILE ET UNE CONVERSION HOULEUSE

133

feuillage dévoré » (20). Il ne s'agit évidemment pas de Hotibal ou de l'Allah de la Ka'ba. Dans la bouche du maître juif, il n'y a pas d'autre Seigneur que Dieu, celui de la Bible. Le prédicateur raconte comment des oiseaux, en volant, lançaient à ces hommes des pierres d'argile, de même que les émissaires qui se présentèrent à Abraham (sour. Ll, 33), avaient été envoyés « contre un peuple .de pécheurs afin de lancer contre eux des blocs d'argile », Peut-être y a-t-il dans ce dernier trait une allusion à la destruction de Sodome et Gomorrhe à partir d'un détail, dans une situation qui présente une analogie fondamentale : un peuple de pécheurs anéanti par des projectiles tombant du ciel. La leçon des événements reste toujours la même : le Dieu Unique révélé aux juifs sort .victorieux de toutes les batailles. De même, les peuples qui lui sont fidèles sont certains de triompher de leurs adversaires. Toute l'histoire d'Israël est là pour en administrer la preuve. L'histoire des Qoraïch et des tribus arabes peut virer de cap et assurer la grandeur de leur destin si celles-ci se soumettent au vrai Dieu en adoptant le Coran hébreu, la Torah de Moïse. Voilà ce que tu dois leur dire, mon fils . Avertis-les comme les anciens apôtres ont averti leurs peuples. Tu n'es r ien d'autre qu'un Avertisseur,· tu n'as rien à inventer, mais seulement à apprendre et à répéter . , . ce que Je t enseigne. Etre AVERTISSEUR n'est pas une fonction mineure. C'est une très grande dignité qui résulte du choix de Dieu. Tous les patriarches, apôtres et prophètes d'Israël ne furent rien d'autre, eux aussi, que des chargés de mission de la part du Tout-Puissant. Par eux, le peuple juif a reçu communication du message de Vérité pour l'annoncer à son tour à l'humanité e.ntière. Qui écoute les apôtres juifs, par conséquent, est assuré du salut. Moi-même qui t'instruis, dit le maître, je suis un avertisseur auprès de toi pour que tu deviennes l'avertisseur de ton peuple. Tu es le premier arabe que Dieu ait honoré . d'une pareille mission, après t'avoir accordé la grâce de Le connaître et de devenir ainsi à La Mecque, le premier soumis. Auparavant, cela ne s'était jamais produit : « La révélation de !'Ecriture, il n'y a sur ce point aucun doute, émane du Seigneur des Siècles.

(20) Sour. CV, 1, 5.

134

L'ISLAM, SES VÉRITABLES ORIGINES

Diront-ils :

«

Il l'a forgée

»

?. Non point ! Elle est la

vérité émanant de ton Seigneur pour que tu avertisses un peuple, auquel, avant toi, n'est venu aucun Avertisseur» (sour. XXXII, 1-2). Ce n'est pas à toi qu'a été révélée l'Ecnture, bien entendu : « Tu n'étais pas sur le _flanc du Mont Sinaï quand Nous (interpellâmes) Moïse. Mais par une grâce de ton Seigneur, tu en a reçu connaissance pour avertir un peuple auquel n'était venu nul avertisseur avant toi » (sour. XXVIII, 4"' ). Reprenons en mains le Livre Arabe de r Islam, dans l'ordre chronologique fixé par Noldeke (21 ). Même si cet ordre n'est point parfait et reste, en bien des cas, sujet à révision, il nous fournira l'occasion d'importantes remarques. Tout d'abord, constatons que, dans aucune sourate antérieure à la sourante LXXX, où le maître juif parle pour la première fois explicitement des « Anciennes Feuilles de Moïse », son élève n'est jamais désigné comme «· avertisseur ». Le contraire nous surprendrait. On ne peut devenir n'adir (avertisseur) qu'aP,rès avoir reçu un message ; on ne peut pas annoncer ce que l'on ignore. Ce n'est qu'après s'être converti, après avoir reçu l'instruction indispensable, que l'élève devenu disciple peut aussi être promu à l'apostolat, à la prédication, et devenir à son tour un avertisseur, fonction qui, dans le vocabulaire de son maître, est un honneur insigne. C'est dans les sourates LXXIII, LXXXIV, LXXIV, LXXIX, LI, LII, appartenant toutes à la première période mecquoise, que nous trouvons les premières allusions à l'activité apostolique du disciple arabe judaïsé. Avant la sour. LXXX, on trouve bien le terme avertisse1nent : « Pren~z garde ... La Sâqar (le feu) est un des plus grands tourments (donné) en avertissement aux Mortels » (LXXIV, 35-39). Mais c'est dans la sourate LXXXIV, 24, que le maître applique à son discip\e l'expression : avertisseur. « Avertis-les de la bonne nouvelle d'un châtiment c·ruel ». Il parle ici avec ironie, comme il le fait d'ailleurs asez souvent, car il ne manque pas d'humour. Dans les grandes bagarres mecquoises plus tard, nous le verrons sou tenir et guider son élève : « Dis-(leur) : ''Je ne suis qu'un Avertisseur. Il n'y a pas d'autre Dieu que Dieu,

(21) Voici cet ordre, pour la première période mecquoise : saur. 96, 74, 111, 106, 108, 104, 107, 102, 105, 92, 90, 94, 93, .97, 86, 91, 80, 68, 95, 103, 85, 73, 101, 99, 82, 81 , 53, 84, 100, 79, 77, 78, 88, 89, 75, 83, 69, 51, 52, 56, 70, 55, 112, 109, 113, 114, 1 - Soit 47 sourates.

UN ÉLÈVE DIFFICILE ET UNE CONVERSION HOULEUSE 135

!'Unique, l'I-nvincible, le Seigneur des Cieux et de la Terre et de ce qui est entre eux, le Puissant, le Pardonneur'' » (XXXVIII, 65-66 ). Parfois, il sera obligé de freiner l'ardeur de son élève devenu son collaborateur, qui se laisse emporter par l'enthousiasme des convertis. Dis à ceux qui t'écoutent en se moquant de toi : « Je ne suis pas un innovateur parmi les apôt1·es ... Je ne sais que ce qui m 'a été révélé et ne suis qu'un Avertisseur sincère » (22 ). Ce qui lui a été « révélé » , c'est-à-dire, bien entendu, la doctrine et les histoires bibliques et talmudiques apprises chez le prédicateur juif. « Tu ne les connaissais pas, ni toi ni ton peuple » (XI, 51 ). Ainsi, l'islam comme religion spécifique des arabes est un mythe. C'est ce qui se dégage clairement de tous les textes que nous avons analysés jusqu'à présent et auxquels nous aurions pu ajouter une bonne quantité d'autres exemples. Parmi les fondateurs de religion, il n'y a aucune place pour le disciple - quel que soit son ,n om - de l'apôtre juif de La Mecque. Il n'a rien innové. Il a tout reçu, avec ordre de ne rien ajouter aux révélations antérieures de Celui que la Bible nomme Yahwé et qu'au MoyenOrient du VIe siècle on nommait déjà Allah. Jamais il n'a enrichi l'humanité de la moindre perspective nouvelle sur l'Eternel, l'infini, !'Unicité de Dieu, les Fins dernières : jamais il n'a donné la moindre impulsion nouvelle à l'âme humaine, dont il ignorait totalement le désir intime du divin. Ce qu'il a pu en apprendre, c'est des juifs qu'il l'a reçu, et il s'en est tenu strictement à ce que son maître a bien voulu lui transmettre.

{22) Sour. XLVI, 8.



~ ., ~o .,-
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